
Sous le règne de Louis XIII et l’action de Richelieu qui centralise le pouvoir, Embrun perd son rôle militaire. Sa citadelle, alors en ruine suite au passage de Lesdiguières, et rappelant fortement les dissensions d’antan, est rasée sur décision du Roi (février 1633). Après avoir rétabli une partie des fortifications, Louis XIII décide alors de faire don des terrains dégagés aux Capucins, ordre mendiant franciscain, dont il a autorisé la création à Embrun par lettres patentes du 12 août 1633.
En effet, les frères mineurs Capucins d’Embrun occupaient depuis leur création une maison à vocation d’hospice au nord de l’ancienne église paroissiale de Saint-Vincent. Mais le contexte de la Contre-Réforme et l’action du nouvel archevêque d’Embrun, Guillaume d’Hugues (1612-1648), lui-même formé chez les franciscains, furent favorables à leur développement. Dès 1644, la construction d’un couvent est entreprise sur les terrains de l’ancienne citadelle. Il sera achevé l’année suivante, en 1645 grâce aux dons d’un certain Chantaraine des Crottes, du chanoine et sacristain Hugues Emé (qui leur fera d’ailleurs don de sa bibliothèque) et aux largesses de Monseigneur Guillaume d’Hugues.
Ce couvent se composait d’une église orientée Est-Ouest et d’un ensemble de bâtiments conventuels accolés au sud, organisés autour d’un cloître. De part et d’autre des bâtiments, se trouvaient d’importants jardins, permettant d’assurer la subsistance de la trentaine de frères susceptibles d’y être accueillis. Comme en témoigne encore l’église, on peut imaginer que l’ensemble des bâtiments du couvent était extrêmement sobre et supportait peu de décor. En effet, la création de ce nouvel ordre des Capucins, fondé en Italie, illustre parfaitement l’avènement d’une nouvelle religion intérieure, destinée à corriger les abus passés. L’ordre prônait un retour authentique aux sources, une vie marquée par l’austérité de ses membres qui, faisant eux-mêmes vœux de pauvreté, vivaient essentiellement d’aumônes.
Suite à l’attaque du Duc de Savoie dans la région, durant l’été 1692, à l’origine d’un nouveau siège d’Embrun, Vauban est envoyé en urgence sur le front des Alpes afin d’améliorer la défense du secteur. C’est à cette occasion qu’il rédigera ses deux « Projet(s) de la fortification d’Embrun » daté du 9 et 16 décembre 1692, projets qui allaient impliquer un bouleversement important du quartier. En effet, dans le second projet, retenu par le roi, Vauban préconise, outre la réutilisation des bastions existants, l’amplification des fossés, la création de glacis et de chemins couverts. Il ordonne la construction de plusieurs bâtiments dont une caserne dite Delaroche et une poudrière. Ces nouveaux bâtiments, parfaitement identifiables sur le plan-relief d’Embrun de 1701, seront implantés autour du couvent des Capucins, toujours en activité. Malgré ces importants bouleversements, les bâtiments du couvent ne connaissent quant à eux que peu de transformations. Hormis l’agrandissement d’une aile (qui apparait sur les plans du XVIIIème siècle) et quelques travaux d’entretien (réfection des enduits en 1731, …), le couvent continue de fonctionner jusqu’en 1790, bien que la misère liée aux guerres et aux mauvaises récoltes, ait fait diminuer les aumônes et le nombre de religieux. Le quartier continue cependant à se densifier avec la construction d’un magasin aux vivres (actuelle Manutention) en 1784.
Lorsque la Révolution française éclate, entraînant la dissolution des ordres et la confiscation des biens du Clergé et de la Couronne, les Capucins, au nombre de 7 pères et 4 frères, ont le choix entre reprendre leur liberté, munis d’une pension, ou être regroupés ailleurs. Ils resteront finalement sur place quelques temps. Le 13 mars 1792, les cloches et autres cuivres des églises d’Embrun, dont celle des Capucins, sont envoyées à Montpellier pour être fondues. Suite à une émeute, l’église du couvent est définitivement fermée le 15 avril de la même année.
La fin du XVIIIe et le XIXe siècle ouvrent une nouvelle page de l’histoire du couvent des Capucins. Suite à la suppression de l’ordre, les bâtiments conventuels connaissent une importante restructuration pour servir à l’Armée, sans doute au moment du transfert d’un régiment de cuirassiers et d’artilleurs à Embrun, en 1811. Le cloître est supprimé et les ailes sont pour tout ou partie détruites ou remaniées afin de servir d’espaces annexes aux bâtiments militaires déjà existants dans le quartier.
Au milieu du XIXe siècle, les nouvelles ailes abritent le Génie, le Gouverneur de la place et l’Etat major. En 1842, le bâtiment de l’église est agrandi et transformé en arsenal, salle d’armes (escrime) et magasins. En effet, l’installation d’un régiment d’artillerie au début du siècle avait rendu nécessaire la réalisation d’un arsenal (magasin pour pièces d’artillerie) que ne possédait pas la place d’Embrun. En 1850, dans la cour du pavillon des officiers est creusée une citerne qui alimente le quartier militaire.
Malgré des absences totales ou partielles et le déclassement de la place forte d’Embrun en 1878, la présence militaire se maintient notamment avec la présence de Bataillons de Chasseurs Alpins (12 BCA, 14 BCA, 30 BCA). Un certain nombre de nouveaux bâtiments voient d’ailleurs le jour comme la poudrière du bastion des Capucins et d’autres petits locaux ou abris pour véhicules / animaux.
Durant l’entre-deux-guerres, cette présence est de nouveau accrue avec le passage du 159ème Régiment d’Infanterie Alpine, du 72ème Bataillon Alpin de Forteresse et du 6ème Régiment de Tirailleurs Marocains. Ce dernier laissera d’ailleurs, par un blason peint, la trace de son passage.
Après la seconde Guerre Mondiale, les occupants militaires sont peu nombreux. Citons la Direction des Camps de l’Aéronavale (DCAN) installée dans le pavillon des Officiers ainsi qu’une compagnie du 159ème Régiment d’Infanterie Alpine, transférée sur place jusqu’en août 1981, durant les travaux de rénovation d’une des casernes Berwick à Briançon. L’organe liquidateur (dernière unité sur place) sera le CM 144 (Centre Mobilisateur d’Infanterie 144) Après cette date, la libération de l’emprise militaire se met en marche jusqu’au départ définitif de l’armée vers 1982-1983 offrant à la Commune une opportunité unique de recomposition urbaine.